L’érythème centrifuge annulaire (ECA) est une affection dermatologique caractérisée par des éruptions cutanées en forme d’anneau, semblables à de l’urticaire. Ces papules s’étendent progressivement vers l’extérieur à partir du centre. L’ECA est classé parmi les formes d’érythème annulaire.
Historique
Le dermatologue français Ferdinand-Jean Darier a été le premier à décrire cette affection, en 1916.
Causes et pathogénie
L’ECA est considéré comme un type d’érythème réactif. Bien que les causes précises ne soient pas encore entièrement élucidées, il apparaît souvent en réponse à divers déclencheurs tels que des infections, des médicaments, des produits chimiques ou encore des tumeurs malignes (syndrome paranéoplasique). Dans d’autres cas, il survient sans facteur identifiable, ce que l’on qualifie de forme idiopathique.
Sur le plan histologique, on observe généralement une infiltration lymphohistiocytaire intense autour des vaisseaux dermiques, tandis que l’épiderme reste intact.
Épidémiologie
En moyenne, l’incidence annuelle de l’ECA est estimée à 1 cas pour 100 000 personnes. Il n’existe pas de prédominance liée au sexe ou à l’origine ethnique. Néanmoins, la maladie se manifeste le plus souvent autour de 40 ans. Par ailleurs, une forme autosomique dominante rare, appelée érythème annulaire familial, a également été décrite.
Physiopathologie
L’ECA relève des réactions d’hypersensibilité de type IV. Les facteurs déclenchants potentiels incluent :
- les médicaments,
- les piqûres d’insectes,
- les infections bactériennes, virales ou fongiques,
- certains aliments (par exemple, les fromages à moisissures),
- les tumeurs malignes.
En outre, des études suggèrent que les cellules Th1 jouent un rôle central en produisant des cytokines pro-inflammatoires telles que le TNF-α. Par ailleurs, une autre hypothèse propose que l’aspect annulaire résulte d’interactions entre médiateurs inflammatoires et tissu conjonctif lors de la diffusion cutanée des antigènes.
Étiologie
Infections
De nombreux agents infectieux ont été impliqués dans l’ECA :
- Bactériens : streptocoques du groupe A, Escherichia coli, Mycobacterium tuberculosis.
- Viraux : virus d’Epstein-Barr, herpès, Mycoplasma hominis, SRAS-CoV-2, grippe H1N1.
- Fongiques : Candida albicans, Penicillium, dermatophytes (Trichophyton, Tinea pedis, Malassezia furfur).
- Parasitaires : Ascaris lumbricoides, Phthirus pubis.
Médicaments
Certains médicaments, comme l’amitriptyline, la chloroquine, l’azacitidine, l’hydrochlorothiazide ou encore le rituximab, sont souvent responsables. Heureusement, les symptômes disparaissent en général après l’arrêt du traitement incriminé.
Malignités
Dans sa forme paranéoplasique, l’ECA peut révéler un cancer sous-jacent. Une revue portant sur 40 cas a montré que 62,5 % d’entre eux étaient liés à des pathologies lymphoprolifératives, notamment la leucémie et le lymphome. Fait important, l’éruption cutanée disparaît souvent après traitement du cancer.
Maladies auto-immunes et allergies
L’ECA a également été observé dans le cadre de maladies auto-immunes telles que le lupus ou la dermatomyosite.
Autres déclencheurs
D’autres facteurs ont été identifiés, comme les troubles thyroïdiens, les affections hépatiques, la grossesse, le stress ou certains aliments (notamment les fromages à moisissures ou les tomates).
Manifestations cliniques
Les patients présentent habituellement des éruptions asymptomatiques ou prurigineuses. Ces lésions peuvent précéder, accompagner ou suivre une maladie sous-jacente. Par exemple, dans la tuberculose ou les lymphomes, elles peuvent coexister avec de la fièvre ou des sueurs nocturnes.
Au début, les lésions se manifestent par des papules érythémateuses qui s’élargissent en périphérie tout en s’éclaircissant au centre. Leur diamètre peut dépasser 10 cm. Une desquamation périphérique est fréquente, parfois accompagnée de vésicules ou de télangiectasies.
En général, les cuisses et les tibias sont les zones les plus touchées, suivies du tronc et du visage. Les paumes et les plantes des pieds sont épargnées. Une fois les lésions résolues, elles peuvent laisser une hyperpigmentation post-inflammatoire, mais sans cicatrice.
Pronostic
Le pronostic est généralement favorable, surtout si la cause est identifiée et traitée à temps. Toutefois, en cas d’atteinte systémique ou néoplasique, il dépendra de la pathologie sous-jacente. La durée de l’ECA varie de quelques semaines à plusieurs années.
Classification
D’après Ackerman, puis Bressler et Jones, on distingue deux formes cliniques :
- Forme superficielle : avec démangeaisons et desquamation.
- Forme profonde : sans prurit ni desquamation.
Diagnostic
Une évaluation clinique complète est indispensable. Celle-ci repose sur :
- l’analyse des antécédents médicaux,
- l’examen clinique,
- des examens biologiques.
En présence de signes évocateurs d’un cancer, un dépistage oncologique ciblé est recommandé.
Diagnostic différentiel
Plusieurs affections peuvent évoquer l’ECA. On citera notamment :
- les maladies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé, syndrome de Sjögren),
- les dermatoses infectieuses (tinea, lichen plan, eczéma),
- les oncodermatoses,
- les pseudolymphomes et lymphomes cutanés.
Il convient également d’exclure d’autres types d’érythème, comme :
- l’érythème gyratum repens,
- l’érythème migrateur nécrolytique,
- l’érythème marginé,
- l’érythème migrant,
- l’érythème multiforme,
- l’érythème papuleux centrifuge.
Traitement
La stratégie thérapeutique dépend de l’identification de la cause. Lorsqu’elle est connue, la prise en charge de l’étiologie entraîne souvent la régression des lésions cutanées. Dans les formes idiopathiques, un traitement symptomatique est mis en place. Celui-ci repose sur :
- des corticostéroïdes topiques,
- des antihistaminiques,
- voire des immunosuppresseurs systémiques dans certains cas.
Un suivi dermatologique à long terme est recommandé, car des rechutes peuvent survenir à l’arrêt du traitement.